Legal insight

P.J. AERTS, "Booking.com abus de position dominante pour la réservation en ligne des chambres d'hôtel", ODC Hospitality Law Newsletter, February 2016 (French version)

Les entreprises informatiques ont le vent en poupe aussi dans le secteur hôtelier. Des 1995 les hôtels belges étaient actifs sur internet pour proposer directement des chambres d’hôtel à des clients potentiels, désormais les dites OTA’s (Online Travel Agencies parmi lesquelles Booking.com) se sont développées comme les personnes intermédiaires indirectes mais néanmoins indispensables dans l’offre (en ligne) de chambres d’hôtel. En ce qui concerne la Belgique, Booking.com constitue de loin le plus grand offreur de chambres d’hôtel avec plus de 30 % de toutes les chambres d’hôtel et une offre de plus de 5.000 hôtels et appartements en Belgique. Ce qui à l’époque avait commencé comme une petite start-up à Enschede au Pays-Bas a grandit en peu de temps en une entreprise mondiale active dans plus de 200 pays.

Dépendance du secteur hôtelier

 

La conséquence de cette évolution est toutefois que les offreurs d’hébergement en Belgique sont devenus dépendants du géant Booking.com. Ce dernier a entretemps acquis une position dominante sur le marché et en tire avantage pour imposer de lourdes règles et conditions aux hôtels. Les exemples les plus frappants de l’utilisation de cette position dominante sont : (i) la facturation de commissions importantes aux hôtels participants (entre 12 et 25 % sur le prix affiché des chambres), (ii) la parité de la mise à disponibilité (il doit y avoir au moins autant de chambres fournies à Booking.com que celles qui sont fournies directement ou via d’autre agent de réservation), (iii) la parité des prix (l’interdiction pour les hôtels de proposer des chambres à un prix inférieur via un autre canal, tel que par exemple via e-mail, via son propre site web ou même à la clientèle arrivant directement sur place) ainsi que le refus de fournir l’adresse e-mail des hôtes aux hôtels.

 

Le secteur hôtelier, qui se trouve dans un fort lien de dépendance vis-à-vis de ces offreurs en lignes, subit pour le moment ces conditions déséquilibrées. Cette pratique pose la question de l’abus par Booking.com de l’équilibre économique à l’égard des hôtels ainsi que de la concurrence déloyale.

 

Adaptation (forcée) d’un point de vue européen

 

Récemment ces pratiques se voient de plus en plus limitées et ce principalement dans le cadre de la parité des prix. La Loi Macron en France interdit déjà les conditions de parité de prix en ligne et hors ligne. En Allemagne, le principe de la parité des prix a été banni par un arrêt de principe contre l’offreur en ligne HRS.  

 

Etant donné ce revirement européen qui fait peu à peu son apparition et les accords qui ont déjà été effectués avec les autorités de la concurrence française, italienne et suédoise, Booking.com a opéré quelques changements généraux dans sa politique par lesquels ses exigences de parité en matière de mise à disponibilité des chambres et de tarification sont présentes de manière moins proéminente.  Ces « engagements » tenu par Booking.com consistent entre autres à ce que les hôtels soient dispensés de l’obligation d’accorder à Booking.com les mêmes tarifs, le même nombre de chambres d’hôtel et les mêmes conditions d’offres spéciales que celles qui sont offertes par des plateformes concurrentes ou celles qui sont offertes par d’autres canaux. 

 

En Belgique les choses bougent également. Le Vice-premier ministre Kris Peeters a demandé un avis à l’Autorité belge de la Concurrence concernant : (i) les exigences en matières de parité des prix,  de mise à disponibilité des chambres et des conditions d’offre de Booking.com, (ii) les exigences de parité qui sont mises en place par les concurrents de Booking.com, (iii) les engagements de Booking.com qui sont mis en place dans le cadre des décisions des autorités de la concurrence française, italienne et suédoise, et (iv) la possibilité d’appliquer ses engagements en Belgique. La fédération des hôtels a également dénoncé le sujet auprès de l’Autorité Belge de la Concurrence afin d’augmenter la pression. La position de marché dominante de Booking.com et la condition de parité des prix qui est imposée conduisent à une limitation de la libre concurrence et à une poussée des prix vers le haut. Pour compenser sa perte de marge l’exploitant d’hôtel va être tenté de facturer un prix de chambre plus élevé ou d’augmenter le prix de ses autres services. De plus, l’exploitant d’hôtel ne peut pas offrir de prix plus bas à des clients qui réservent directement via l’hôtel, ce qui ne bénéficie pas non plus au consommateur.

 

Tout ceci montre clairement qu’il y a un besoin urgent d’une intervention législative générale et structurée afin de réguler les conditions maximales qui peuvent être imposées par les plateformes de réservation en ligne aux  exploitants d’hôtels. Cette intervention devra rechercher le difficile équilibre entre les intérêts du consommateur, de l’exploitant d’hôtel et de l’intermédiaire.